Article
Nous trouvons, avec notre double casquette de pédagogues et d’investisseurs, y compris en jeune pousse, une très mauvaise idée pour une start-up européenne de placer sa trésorerie en dollar.
Dans un article récent paru dans Les Echos intitulé « Comment les jeunes pousses doivent gérer leurs finances », nous avons lu le témoignage de deux entrepreneurs confiants :
« Quand vous avez au moins 1 ou 2 millions en trésorerie, vous pouvez les placer en Bons du Trésor américain. En ce moment ils sont rémunérés à 5 % ! Cela vous fera du runaway gratuit ».
« Nous avons acheté des bons du Trésor américain il y a un moment. Il y a peu de chance que le Trésor américain fasse défaut. Sinon, le monde aura de gros problèmes ».
Nous ne contestons pas que le monde aurait de gros problème en cas de défaut du Trésor américain. Et que ceci est très peu probable.
Nous trouvons, avec notre double casquette de pédagogues et d’investisseurs, y compris en jeune pousse, une très mauvaise idée, pour une start-up européenne, de placer sa trésorerie en dollar. Sauf si la jeune pousse a une dette en dollars ou fait des achats significatifs libellés en dollars. De sorte à constituer ainsi une couverture naturelle contre le risque de change. Ce qui ne doit pas en concerner beaucoup. Les jeunes start-up européennes sont rarement endettées, et encore moins en dollars !
Pourquoi est-ce une mauvaise idée ? Parce que pour avoir du 5 % sur les bons du Trésor américain, il faut aller chercher du papier à deux ans, qui d’ailleurs ne rapporte que du 4,4 % alors que le Trésor français rapporte actuellement du 2,7 %.
Donc pour un écart de taux de 1,7 %, l’entreprise prend un risque de change sur le dollar. Il suffit que celui-ci baisse de 1,7 % en un an contre l’euro pour que le gain de rémunération soit effacé. Une baisse de 1,7 %, c’est l’euro qui passe de 1,06 $, cours actuel, à 1,08 $. Quand on sait que le $ a évolué entre 0,96 et 1,4 depuis 10 ans, on se dit qu’une variation d’au moins 1,7 % en une année est du domaine du possible… Sinon de la certitude.
Mais il n’y a pas que le risque de change, il y a aussi le risque de taux d’intérêt. Si, dans un an, les taux d’intérêt américains à un an sont passés à 6,2 % (parce que finalement l’inflation est plus forte que prévue et que notre start-up a besoin des fonds), elle vendra ses bons du Trésor avec une moins-value, à taux de change constant, effaçant l’écart de taux de rendement.
Nous souhaitons bonne chance et beaucoup de courage à ces apprentis trésoriers pour aller annoncer à leur comité de gouvernance leur géniale idée. Voire, le moment venu, l’éventuel désastre d’une trésorerie qui aurait perdu 10 % de sa valeur avec un $ à 1,17. Surtout dans le contexte d’un bras de fer qui monte entre les démocrates et les républicains sur le relèvement du plafond de la dette de l’État américain…
En tout cas, nous, nous avons conseillé aux start-ups qui nous ont fait confiance en nous accueillant à leur capital et à leur comité de gouvernance, de placer sagement en euros et de se focaliser sur l’opérationnel.